Brève introduction à la Physique Quantique
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Lui – La physique quantique, c'est quoi au juste?
Elle – Juste une théorie.
Lui – C'est tout ? A quoi ça sert, juste une théorie?
Elle – Ça aide à se représenter les choses, à s'en faire une image. Tu vois,
la réalité, on aimerait la saisir, pour la travailler, mais comment s'y prendre?
C'est si vaste, si varié, si variable!
Alors on essaye une idée, qui nous vient de Galilée. On construit des théories qui imitent
certains aspects de la réalité. Si l'image qu'on en tire ne marche pas bien, on modifie,
on améliore.
Lui – Qu'est-ce que tu appelles une "image qui marche"?
Elle – Je ne veux pas dire qu'elle se promène! (rires) Une image,
ça a des détails,
et si elle a affaire avec la réalité, ces détails ont des conséquences qu'on peut exploiter.
Prends par exemple les cartes de géographie, établies par les marins au cours des siècles.
Ce sont des images, et si elles reflètent la réalité, leurs détails peuvent empêcher,
par exemple, les navires d'échouer la nuit!
Lui – Ton exemple est mauvais. Une carte est un raccourci de la réalité, et il
n'y a pas de théorie derrière!
Elle – Je ne suis pas d'accord! Ce n'est pas évident de comprendre le rapport
entre un
dessin sur un papier et des paysages, des montagnes et des mers! Mais bon, prenons un
autre exemple, plus standard en physique, pour mieux voir l'intérêt d'une théorie.
Kepler a réussi à décrire complètement le mouvement des planètes. Il l'a obtenu en
décortiquant les mesures astronomiques faites par Tycho Brahe. J'imagine que tu connais ça.
Lui – Oui, on l'a vu au collège.
Elle – Puis Newton propose sa théorie de la gravitation universelle.
Une théorie purement mathématique, me diras-tu. Quel intérêt? D'abord elle permet d'obtenir
les mouvements des planètes, retrouvant par un calcul les découvertes de Kepler,
qui elles, étaient déduites des mesures. Mais c'est pas tout.
Cette théorie prévoit d'autres mouvements, sur des arcs de paraboles ou d'hyperboles.
Plus tard on a trouvé des comètes ayant ces trajectoires! C'est un succès fantastique:
ce que la théorie prédit a été observé! Cela a complètement changé notre représentation
du monde.
On se fait maintenant une image très claire des mouvements dans le ciel et sur la terre.
Lui – Je croyais que la physique quantique était une théorie récente.
Je ne savais pas qu'elle date de Newton.
Elle – Ne mélange pas tout! Il y a deux siècles entre eux!
Lui – Deux siècles, et rien entre!
Elle – Quelle méchante langue! Tu sais bien qu'il n'y a aucun domaine qui
progresse plus
que la science! Les scientifiques sont les plus grands travailleurs de toute l'humanité!
Lui – Et les artistes!
Elle – Bon, c'est possible. Non, voyons, la physique quantique est née au XXe
siècle.
Lui – Pourquoi si tard?
Elle – Parce qu'avant, on n'en avait pas besoin. Les représentations de la
réalité données par la physique collait suffisamment bien avec les observations.
Lui – Et qu'est-ce qui a changé?
Elle – Je ne sais pas trop. Un état d'esprit peut-être, une insatisfaction. La
physique
marchait si bien, dans tous ses domaines d'application... ça a engendré une sorte de
lassitude. Et il y avait aussi une frustration, devant tous ces mondes qui lui échappaient,
la chimie, la biologie, la psychologie, et qui lui échappent toujours en grande partie!
Lui – Et qui lui échapperont toujours je l'espère!
Elle – Ça, mon cher, on en sait rien! Ne parles pas trop vite! Mais revenons à
notre
physique. A la fin du XIXe siècle elle n'avait toujours pas de théorie pour décrire la
matière. Les cristaux, les métaux, les atomes, tout ça lui était inaccessible.
Lui – Pourtant, la matière, c'est le cœur de la réalité, non?
Elle – C'est vrai, d'où ce sentiment de frustration. Je ne dis pas qu'on ne
savait rien faire. On avait une bonne théorie des gaz, qui a permis d'améliorer les
machines à vapeur. Mais ce n'était pas le cas des corps solides. Pour te donner un exemple
précis, on n'avait pas de théorie pour calculer la propagation d'un choc dans une pièce
de métal.
Lui – Ce n'est vraiment pas un sujet important!
Elle – Mais si, voyons! On en a besoin pour maîtriser les vibrations des
moteurs et augmenter leur rendement!
Lui – En résumé, la physique ne savait pas grand chose.
Elle – Tu exagères encore! En résumé, il y avait la théorie de la gravitation
générale,
qui expliquait aussi bien les mouvements des astres que ceux des projectiles sur la terre,
la théorie des gaz pour les machines à vapeur, la théorie de l'électromagnétisme,
qui décrivait tous les phénomènes électriques et magnétiques et qui donnait une explication
de la lumière, de l'optique. Tout ça, ce n'est pas rien! Et puis, ce n'est que les
principaux sujets!
Lui – Bon, j'admets. Alors, comment ça a changé?
Elle – Très timidement, au début. Ça a commencé par un résultat étrange, d'un
dénommé Max
Planck, en 1900 exactement, à Berlin, concernant un phénomène alors inexpliqué. Il parvenait
à établir une équation qui collait parfaitement avec les observations, mais qui utilisait
une hypothèse ad hoc, parfaitement injustifiable.
Lui – Tiens, et on appelle ça de la science?
Elle – Tu as raison, des travaux comme ça il y a beaucoup, et il n'ont en
général
pas d'avenir. Mais celui-là était particulièrement bien documenté. Et il a été repris par
le jeune Einstein, alors inconnu. Il publia un article en 1905 qui expliquait un autre
phénomène grâce à l'hypothèse de Planck.
Lui – Ça fait deux phénomènes expliqués par une hypothèse.
Elle – Eh oui, c'est déjà un début de confirmation! Mais ce qu'il y avait de plus
intéressant, c'est que l'explication d'Einstein proposait une sorte de mécanisme
entre la lumière et les atomes. Une porte s'ouvrait pour la physique.
Lui – En deux mots, c'est quoi ce mécanisme?
Elle – En deux mots, ce n'est pas facile! Einstein reprend l'idée de Planck,
que la lumière interagit avec la matière de façon discontinue, par petits paquets. C'est ça,
l'hypothèse injustifiable. Mais il va plus loin en admettant que la lumière elle-même
est formée de ces paquets, qu'on nomme des photons. Le mécanisme de base est qu'un
photon interagit avec un atome, ou plutôt avec un électron d'un atome. Un photon
avec un électron. L'électron alors l'absorbe, tout simplement, et prend son énergie. Si
elle est suffisante, il peut alors quitter l'atome et rejoindre un courant électrique.
Un mécanisme simple, comme tu vois, et qui explique parfaitement les propriétés
bizarres du phénomène appelé photo-électricité.
Lui – C'est le phénomène à la base de l'énergie photo-voltaïque?
Elle – Exactement.
Lui – Ça commence à m'intéresser. Continue!
Elle – Il ne faut pas perdre de vue le but: arriver à expliquer les
propriétés de la matière, donc des atomes. Vers 1913, un grand physicien de Copenhague,
Niels Bohr, reprend le flambeau.
Lui – Il ne s'est rien passé entre-temps?
Elle – Si, beaucoup de travaux, mais je ne te donne que les plus décisifs,
ceux que l'histoire a retenu. Bref, Bohr fait une proposition très étonnante.
Il propose une image pour l'atome d'hydrogène, l'atome le plus simple, en forme de
couches concentriques, un peu comme un oignon. L'unique électron, puisque l'atome
d'hydrogène n'en a qu'un, est piégé dans une couche, et y reste éternellement, à moins
qu'un photon y pénètre. L'électron peut alors l'absorber, et passer à une couche supérieure.
De façon symétrique, il peut émettre un photon et tomber dans une couche inférieure.
Lui – C'est amusant! mais ça ne me semble pas très sérieux!
Elle – Et pourtant ça a eu un impact immense! Pour la première fois on proposait
une structure pour l'atome qui intègre son interaction avec la lumière, et qui de
plus utilisait l'hypothèse des photons. Bien sûr le modèle de Bohr, comme on
appelle cette image d'atome en forme d'oignon, avait bien des défauts, que Bohr lui-même
admettait. Mais il essayait comme ça de donner des idées audacieuses pour faire
avancer la science.
Lui – Ça l'a vraiment fait avancer?
Elle – Si, si! Pour la première fois physiciens et chimistes pouvaient
travailler ensemble sur des images d'atomes et faire des calculs! Ils essayaient de profiter
au mieux de la porte ouverte par l'hypothèse de Planck. Par la suite on donnera à l'ensemble
de ces travaux le nom général de
Physique des Quanta.
Lui – C'est le pluriel latin?
Elle – Comment?
Lui – Un quantum, des quanta.
Elle – A l'époque, tous les scientifiques avaient fait du latin.
Lui – Tu as dit "physique des quanta". Ça laisse entendre que la "physique
quantique", c'est encore autre chose.
Elle – Bien sûr, car il y a eu une deuxième hypothèse.
Lui – Ça alors! C'est une épidémie!
Elle – Mais non, car la deuxième n'est pas indépendante de la première.
C'est en quelque sorte son renversement.
Lui – C'est-à-dire?
Elle – L'hypothèse de Planck, revue par Einstein, c'est en gros que la lumière,
une onde, se comporte dans l'infiniment petit comme des particules. Or dans la physique
ancienne, ondes et particules se comportent tout autrement. Mais au niveau atomique, on
observe une sorte de complémentarité. Dans ce cas, pourquoi ne pas considérer les particules
comme des ondes?
Lui – C'est ça la nouvelle hypothèse?
Elle – Oui. C'est la thèse du français Louis de Broglie, en 1924.
Lui – Mais c'est purement théorique!
Elle – Qu'est-ce que tu as contre la théorie? Ce sont les idées qui font avancer
la science!
D'ailleurs elle a été testée, et ça marche! Tu connais le microscope électronique?
Lui – J'en ai entendu parler.
Elle – Eh bien il fonctionne sur le même principe que le microscope ordinaire.
Mais au lieu d'envoyer de la lumière sur l'échantillon, on envoie des électrons!
Et ça marche très bien! Tu vois, les électrons se comportent comme la lumière!
Lui – Et c'est ça, la physique quantique?
Elle – C'est le point de départ. De Broglie indique comment déterminer
ces nouvelles ondes, leur longueur d'onde et leur fréquence. Ça marche pour des
électrons libres, mais pas pour ceux des atomes.
Lui – Ce n'est pas la même chose?
Elle – Ben non, voyons! les ondes de de Broglie voyagent librement dans l'espace,
alors que les électrons d'un atome restent éternellement près du noyau.
Lui – D'accord, je vois le problème. Comment s'en sortir?
Elle – Eh bien, il fallait un coup de génie!
Lui – Et encore le bon!
Elle – En effet! C'est Erwin Schrödinger, un autrichien, qui réussit, tiens-toi
bien, à calculer l'onde "à la de Broglie" qui représente un électron d'un atome!
Lui – Rien que ça! C'est à quel moment?
Elle – En 1926, début janvier. Schrödinger était en vacances de neige, à Arosa, dans les
Grisons. Son équation il l'a écrite dans une lettre qu'il a envoyée à ce moment.
Lui – C'est comme ça qu'il passait ses vacances, à faire des calculs au lieu
de skier!
Elle – Il a eu bien plus de plaisir! Tu imagines cet instant, ce choc! Trouver
tout-à-coup l'équation des atomes, qui allait expliquer toute la chimie!
Lui – Oh, moi, je préférerais le ski!
Elle – Faire comme tout le monde! Alors que lui, il a vécu un moment incroyable,
unique dans l'histoire de l'univers!
Lui – L'histoire de l'humanité. Restons modestes!
Elle – Cette équation s'applique à tous les atomes, à toutes les molécules,
à tout ce qui est dans l'infiniment petit! Elle est d'une portée incroyable! Elle est
utilisée presque partout.
En ce moment même, des milliers de scientifiques calculent les formes des protéines,
ou de toute sorte de produits, grâce à l'équation de Schrödinger, en utilisant les plus
gros ordinateurs du monde. Cela permet des résultats dans tous les domaines, physique,
chimie, biologie, médecine, pharmacie...
Lui – La porte grande ouverte, quoi!
Elle – C'est vrai, c'est l'éclatement dans tous les domaines!
Lui – Mais pourquoi ces gros ordinateurs? C'est quand même compliqué?
Elle – Oui, il y a beaucoup de physique technique. Déjà pour les simples atomes.
Il y a un livre de popularisation qui explique bien la découverte détaillée de la structure
atomique, les
Promenades dans le Monde Quantique.
Il va même jusqu'à résoudre une équation de Schrödinger sans calculs, que par des dessins!
Lui – Et avec ça on a fait le tour de la physique quantique?
Elle – Bien sûr que non! Il y avait d'abord le problème de trouver un sens
physique à ces ondes. Là on a retenu l'interprétation du physicien allemand Max Born.
Ces ondes indiquent bien la position de l'électron, mais seulement de façon statistique,
c'est-à-dire qu'elles donnent la probabilité de trouver la particule dans un volume donné.
Lui – C'est plutôt obscur! Et avec ça c'est fini?
Elle – Pas encore! Il restait à construire une vraie théorie physique, comme les
physiciens les aiment. Capable d'étudier un système quelconque, comme un amas d'atomes.
Il faut une théorie qui explique comment décrire un tel système, c'est-à-dire quels sont
les paramètres nécessaires, puis quels sont les valeurs possibles de ces paramètres,
pour trouver les états possibles du système. Enfin, on veut savoir comment les forces, comme
la force électrique, interviennent sur ce système, pour trouver comment les paramètres
évoluent au cours du temps... Tout ça, c'était un immense programme!
Lui – Qui est maintenant achevé?
Elle – Oui, magnifiquement. La théorie est maintenant en place, grâce à des physiciens
comme Paul Adrien Maurice Dirac et des mathématiciens comme John von Neumann. On
l'appelle la
Mécanique Quantique, par
opposition à la
Mécanique Classique, qui est celle fondée par Newton. On est là
au début des années 1930. Alors commence une moisson extraordinaire de résultats
obtenus en appliquant cette théorie à tous les systèmes microscopiques possibles. Je
ne vais pas te donner la liste des succès, tant il y en a. Je te citerai seulement
le microscope électronique, puis le microscope à effet tunnel, qui permet de voir les atomes,
le rayon laser, le transistor, l'élément de base des puces électroniques, l'horloge atomique,
la supraconductivité, la forme des molécules, son influence en chimie... Bref, la matière
livre ses secrets les uns après les autres.
Lui – J'ai une question là-dessus, un peu iconoclaste. Ces découvertes, elles
sont vraiment dues à cette théorie, ou elles proviennent plutôt des progrès de la
technologie, tout simplement?
Elle – C'est une question méchante? En fait pour chaque découverte on pourrait
en discuter, et faire une recherche historique. Mais ce serait compliqué, tant les
développements de la science et des techniques sont mêlés. Ils sont souvent dus aux mêmes
personnes.
Il serait stupide de se lancer dans des enquêtes dans le but de créer des disputes.
La philosophie des physiciens penche plutôt pour la complémentarité. Comme la théorie et
l'expérience en physique, qui se développent parallèlement en se stimulant l'une l'autre.
Lui – Donc, si j'ai bien compris, tout est bien fini. La page est tournée,
le sujet est clos.
Elle – Bien sûr que non! Comme je te l'ai déjà dit, en ce moment même
des milliers de scientifiques
en cherchent les conséquences et font d'énormes calculs sur les plus
gros ordinateurs! De plus, il y a toujours des problèmes d'interprétation.
Lui – Qu'est-ce que tu entends par là?
Elle – Cette théorie est très étrange, et ne ressemble pas à ce qu'on attend en
général de la physique. Entendons-nous: la théorie elle-même est très cohérente, mais elle
ne donne que des
résultats statistiques. Par exemple, elle prédit qu'un système a 30% de chance d'être
dans un certain état, et 70% de chance d'être dans un autre. Mais lorsqu'on fait
l'expérience, on trouve un résultat unique. Seulement un des états est observé.
Lui – Mais alors, cette prédiction ne vaut rien!
Elle – Non, car si on répète l'expérience de nombreuses fois, on trouvera bien
30% de fois le premier résultat et 70% de fois le second. La théorie est donc bien
vérifiée, mais seulement au sens statistique.
Lui – C'est effectivement bizarre.
Elle – Beaucoup de gens ont été choqué par une telle théorie, qui prédit tout et
son contraire en même temps. A commencer par Einstein. Mais pas lui seulement.
Lui – Ah oui, c'est son fameux "Dieu ne joue pas aux dés"!
Elle – Oui. Il ne pensait pas que cette théorie est fausse, mais qu'elle n'est pas
terminée. Qu'il lui manque quelque chose. Il s'est longuement disputé avec Bohr,
le tenant d'une attitude plus consensuelle, qui dit en gros: puisque les expériences
confirment la théorie, c'est à nous de nous y adapter, pour ne plus la trouver étrange.
C'est le point de vue pratique, appelé l'école de Copenhague. Il y en a d'autres
qui cherchent à expliquer ces bizarreries.
Lui – C'est possible?
Elle – Ah, il n'y a pas de limites à la fantaisie humaine! Par exemple,
l'intervention des statistiques
serait due à l'existence d'une grandeur physique inconnue et inaccessible; ainsi
toutes les mesures seraient automatiquement des moyennes par rapport à cette grandeur...
Autre explication: en physique classique l'évolution d'un système part de son état actuel,
et ne fait pas intervenir ses états antérieurs; la mécanique quantique considérerait aussi
les états antérieurs, un peu comme si le système avait une mémoire...
Encore une autre: on admet que tous les mouvements sont possibles! mais pour chacun d'eux,
la théorie permet de déterminer la probabilité qu'il soit choisi...
Tu vois, avec un peu de fantaisie, on trouve toujours des explications.
Et il y en a bien d'autres. Chacune a ses qualités, ses défauts, ses défenseurs, comme dans
les sectes! Mais la grande majorité des physiciens s'en tient à l'école de Copenhague.
Lui – En fait, c'est tout un monde, cette physique quantique...
Lui – Pourtant, j'ai encore
une question, qui te paraîtra certainement naïve. Pourquoi au collège on enseigne
toujours la physique de Newton, si elle est complètement dépassée?
Elle – Elle n'est pas dépassée du tout! Elle s'utilise encore presque partout! La physique
quantique n'est pertinente que dans l'infiniment petit, ou pour des phénomènes qui trouvent
leur explication au niveau atomique, comme les réactions chimiques. Par contre dans
presque tous les autres cas, par exemple pour faire des machines, des moteurs, des bateaux
ou des avions,
la physique classique est parfaitement applicable! En fait, on dispose actuellement de trois
théories, chacune valable dans son domaine. La physique quantique, pour l'infiniment petit,
la théorie de la relativité pour les grandes vitesses, proches de celle de la lumière,
et la physique classique pour les situations ordinaires.
Lui – La théorie de la relativité! C'est vrai, il y encore celle-là, je l'avais
oubliée! Et il n'y a pas de cas où ces théories se recouvrent?
Elle – Bien sûr, il y en a beaucoup, et là on est emprunté...
La vraie théorie devrait être quantique et relativiste, mais on ne la connaît pas encore.
Malgré un nombre énorme de chercheurs et de travaux, la vraie théorie est encore à
découvrir. Au début il n'en était pas ainsi. La thèse de de Broglie est en parfait accord
avec la relativité. Schrödinger a d'abord cherché une équation relativiste, mais celle
qu'il a obtenue ne donnait pas les bons résultats. C'était une déception pour lui,
de proposer une équation qui marche très bien, mais qui est non relativiste!
Lui – Qu'est-ce que ça veut dire, une "équation non relativiste"?
Elle – Je veux dire qu'elle ne fait pas intervenir la vitesse de la lumière. Autrement
dit, la théorie qui en découle n'impose pas de limite aux vitesses, qui pourraient être
arbitrairement grandes.
Lui – On a qu'à prendre cette équation et se limiter aux cas où la vitesse
est plus petite que celle de la lumière!
Elle – (Eclats de rire) Mais c'est du bricolage, ça! Que vaudraient les prédictions d'une
telle combine! Non, nous autres physiciennes et physiciens sommes beaucoup plus ambitieux!
Nous voulons LA théorie! Celle qui explique tout!
Lui – Et qui n'existe pas!
Elle – Tu n'en sais rien! Tu n'es pas le bon Dieu!
Lui – Tu retombes sur Einstein!
Elle – Justement! C'est lui, encore, qui a trouvé le plus gros conflit entre les deux
théories. Il faut que je te raconte ça, après j'arrête.
Lui – D'accord, j'écoute.
Elle – Il a imaginé une expérience qui prouverait leur incompatibilité.
Si la physique quantique est juste, alors cette expérience devrait montrer qu'une
information peut se transmettre plus vite que la vitesse de la lumière.
En contradiction avec la relativité.
Lui – Et le résultat?
Elle – C'était une expérience impossible à réaliser en ce temps-là, en 1935.
Einstein est mort en 1955. L'expérience n'a vraiment été montée qu'en 1981 par Alain Aspect.
Eh bien... c'est la physique quantique qui a raison!
Lui – Ça alors! Pauvre Albert, il a dû se retourner dans sa tombe!
Elle – Le mystère est entier. Personne n'y comprend rien.
Lui – On aurait pu penser qu'il n'existe pas d'application utilisant les deux
théories à la fois, mais comme il y a une expérience, cet argument tombe.
Elle – Et il n'y a pas qu'une expérience! Regarde ce qui se fait au
CERN. Des particules
élémentaires sont accélérées jusqu'à une vitesse de 99,9% de celle de la lumière.
Ce n'est pas le comble du domaine quantique et relativiste, ça?
Lui – Mais alors, qu'est-ce qu'ils utilisent comme théorie?
Elle – Je t'ai dit, il y a une foule de travaux, de théories plus ou moins
complètes. Ils se débrouillent, calculent toutes sortes de choses, obtiennent plein de
résultats. Dans l'ensemble ils y arrivent quand même très bien! Mais ça n'empêche pas
que LA théorie, à la fois quantique et relativiste, manque toujours!
Lui – C'est incroyable ça! qu'est-ce tu penses qu'il faudrait faire?
Elle – Je ne sais pas, je ne sais pas... Dis, tu ne veux pas apprendre la
physique, et m'aider à LA trouver?